Essai de modélisation d'une ampoule électrique

L'idée de modéliser une ampoule m'est venue à l'issue d'un cours où j'avais fait réfléchir les élèves sur la variation de la résistance électrique d'un conducteur métallique en fonction de la température.

J'avais apporté en cours une ampoule ordinaire (230 V, 100 W) et un ohmmètre. J'ai demandé à un élève de mesurer la résistance de l'ampoule, celle-ci étant froide (20°C). L'ohmmètre indiquait 36 W . J'ai ensuite demandé aux élèves de calculer la puissance dissipée par effet Joule dans cette ampoule connaissant la différence de potentiel efficace aux bornes.

Toute la classe m'a annoncé .

J'ai demandé à l'élève qui avait mesuré la résistance de l'ampoule "à froid" de relire les valeurs marquées sur le verre : " 230 V, 100 W".

Je leur ai demandé s'il était normal qu'une telle différence apparaisse entre l'indication portée par l'ampoule et le résultat du calcul. Silence …!

Je suis intervenu : "nous venons de voir que la résistance d'un conducteur métallique augmente au fur et à mesure que sa température croît, , R0 étant la valeur de la résistance du conducteur à la température de 0°c, a dépendant du métal considéré et q la température".

Des mains se lèvent, ils ont compris : "Le filament s'échauffe, la résistance de ce dernier augmente vers une valeur stable qui doit être : ". En leur donnant une valeur approchée de a pour le tungstène (a = 0,0055), je leur demande de calculer la température du filament en régime permanent.

Il m'est bientôt répondu :

En faisant l'hypothèse que la température du filament était de 20°C lors de la mesure de résistance "à froid".

Cependant, je vois deux ou trois mains en l'air, des élèves à l'air dubitatif : "mais, monsieur, l'intensité doit être beaucoup plus importante à la mise sous tension qu'après, en régime permanent".

Je réponds : "bien sûr, à l'instant exact de la mise sous tension, l'intensité a pour valeur : , plus tard elle se stabilise à ".

J'indique que l'intensité doit évoluer comme ceci en fonction du temps, joignant le geste à la parole, 
j'effectue le tracé suivant :

Voilà, je vous ai présenté le décor de la réflexion que j'ai eu en rentrant chez moi. L'évolution du courant dans l'ampoule en fonction du temps m'intriguait. J'avais indiqué aux élèves une "allure possible" pour i = f(t), mais pas la courbe exacte. Ne disposant pas d'oscilloscope à mémoire pour capturer ce "transitoire", je m'interrogeais sur mes possibilités d'accéder à "la" courbe représentant i = f(t).

C'est alors que me vint l'idée de simuler une expérience que je ne pouvais pas effectuer, faute de matériel. L'école où j'enseigne possédant des licences pour les logiciels Matlab et Simulink, je décidais de les utiliser.

La mise en équation de l'ampoule m'a fait me replonger dans des cours de thermodynamique que je n'avais pas ouverts depuis fort longtemps. Il m'a fallu du temps pour trouver ce qui m'était nécessaire : la loi de Stefan sur le rayonnement des corps noirs. Cette loi précise que l'énergie émise sous forme lumineuse est proportionnelle à la température du corps élevée à la puissance 4. Je pouvais donc écrire l'équation différentielle ci-dessous traduisant que la différence entre la puissance apportée à l'ampoule par effet Joule et la puissance émise sous forme de lumière est égale à la chaleur emmagasinée par l'ampoule (produit de la chaleur massique par la variation de la température en fonction du temps) :

où R est la résistance du filament, q la température du filament, k'C la chaleur massique du filament (inconnue), ks représente la constante de Stefan mais n'est pas égale à cette dernière (le filament n'est pas un corps noir).

Les autres équations étant :

La mise en place de ces équations avec Simulink donne le schéma suivant :

Le fichier Simulink est à télédécharger ici.

L'énergie électrique est fournie par une source de tension continue, il est simple de la remplacer par une source alternative, mais cela n'apporte rien de plus.

Il est nécessaire de "caler" le modèle de façon à ce que l'intensité traversant le filament et la température de celui-ci atteignent les valeurs initiales et finales correctes. Pour ce faire, il faut ajuster ks , et 1/k'C. Une succession d'essais permet d'arriver à ks = et 1/k'C = 200. Le terme 1/k'C ne modifie que le temps de réponse du système. Je l'ai réglé de manière purement intuitive me disant qu'un filament alimenté en 50 Hz ne clignotait pas, donc que le temps de relaxation devait être supérieur à 10 ms, durée d'une alternance.

Je ne suis guère satisfait par la valeur que j'ai du imposer à ks , elle me semble bien faible ! La constante de Stefan vaut 
s
= , le filament n'est pas un corps noir mais je m'interroge sur la valeur nécessaire au fonctionnement correct du modèle qui est considérablement plus petite. Le modèle que j'ai élaboré est-il valable ? J'aimerais obtenir l'avis de collègues plus au fait que moi de ces phénomènes thermodynamiques (voir mes coordonnées au début de l'article).

Voici les courbes de l'évolution de l'intensité et de la température du filament en fonction du temps :

intensité (A) dans le filament en fonction du temps (s)

température (°C) du filament en fonction du temps (s)

Cette expérience simulée permet de justifier, pour autant que le modèle soit juste, l'allure esquissée au tableau. Elle permet de plus de présenter aux élèves une façon de résoudre les systèmes d'équations différentielles qui était en vogue dans les années 1970 du temps des calculateurs analogiques à base d'amplificateurs opérationnels. Des logiciels tels que Simulink permettent de résoudre de tels systèmes en conservant le même esprit.

J'attends d'éventuels commentaires sur la "constante de Stephan" bien faible ou sur d'autres sujet.